Voilà, c'est parti, le chantier est prêt depuis le début du mois, et l'équipe débarque donc le dimanche 20 mai pour 2 semaines prometteuses de théorie, de pratique et de moments « off » bien mérités. Alexandre, Marie, Alexis, Xavier, Frédéric, François, Carole, Thierry, Delphine… tout ce petit monde d'horizons bien divers réuni à Loudun (86) pour apprendre auprès de Samuel et Gaël, à monter des cloisons de terre crue.
Les plans sont faits et tracés : le premier étage de la maison de Loudun sera constitué de 2 chambres et une salle de bains; les murs en pierre de la chambre du fonds, ancien grenier non isolé, seront doublés de terre-paille. L'autre chambre gardera son isolation originale.
Les appros ont été faits aussi, le petit jardin a été mis à contribution pour accueillir les bottes de pailles, le sable, et les 2 types de terre récupérées pour l'une, dans une ancienne briqueterie et pour l'autre, chez le maçon du coin.
On meurt d'envie de mettre la main et les pieds à la terre… voir grimper ces mûrs! Mais avant de faire… tenter de comprendre… Les qualités des terres, le rôle du sable, celui de l'argile, celui de l'eau, ou encore des quelques fibres que l'on pourra ajouter à nos mélanges. Jongler avec les matériaux pour renforcer l'isolation thermique (murs chauffants ou pas?), anticiper les retraits au séchage, … C'est d'abord en manipulant différente sortes de terres que l'on comprend les notions de plasticité, d'élasticité, viscosité… et que le petit groupe commence à bien rigoler !
On attaque donc plusieurs techniques à la fois :
– de l'adobe : briques de terre moulées dans un moule en bois; les premières sont… mmh comment dire? Pas tout à fait carrées sur les bords, un peu collantes (ben oui, la terre d'une briqueterie, c'est comme qui dirait… argileux!), … au fur et à mesure, on ajuste, on ajoute du sable au mélange et on finit par prendre carrément le coup de main… on frise la chaîne de production taylorienne! Les briques n'ont plus qu'à bien sécher maintenant, elles seront maçonnées plus tard. Eclaboussant!
– des murs en bauge : pour la bauge, pas de moule; « système de construction monolithique en terre crue empilée ». Il s'agit donc, après avoir aussi foulé aux pieds le mélange terre / sable / paille / eau, de façonner à la main des « boudins » que l'on empile pour former notre pan de mûr maintenu entre deux structures de bois. Bien physique, pour les pieds, les jambes et les bras, sport complet!
– du terre paille : depuis l'atelier de Nantes, le terre-paille, ça nous connaît ! On coffre, on trempe la paille dans la barbotine et on tasse, bien, et fort !
– du torchis, des quenouilles : varier les techniques, innover, si l'on peut dire… la quenouille, traditionnellement, c'est pour les parquets; qu'à cela ne tienne, on en fera des mûrs! Ça patouille sec, si l'on peut dire, de ce côté là aussi ! J'imbibe bien mes fils de paille de mon mélange collant, j'enroule ce serpent autour d'un morceau de bois façon « barbe à papa » et je glisse le tout dans les tasseaux de bois découpés à cet effet. Artistique !
Les journées se rythment naturellement : la première semaine, quelques rappels théoriques le matin, et ça bosse intensément et dans la bonne humeur le reste du temps; deuxième semaine non moins intense, non moins sympa, où les soirées sont aussi plusieurs fois mises à profit pour approfondir la théorie non sans bonnes tranches de rigolades. Quelles énergies!
A l'issue du chantier, ces cloisons, bien que non terminées, sont néanmoins bien avancées. C'est d'ailleurs un choix clair: privilégier l'apprentissage sur le chantier; prendre le temps qu'il faut pour atteindre les objectifs pédagogiques et satisfaire chacun au maximum. Le temps nécessaire pour monter les structures « bois », partie intégrante de ces mûrs de terre, et celui consacré à trier/tamiser l'une des terres « pathétique » (dixit Samuel) ont sans doute été sous estimés ; mais ce sont les aléas du réel et aussi l'intérêt de ce type de chantier de formation – action : loin d'être des ateliers pédagogiques où tout est calé d'avance, nous sommes confrontés au jour le jour aux réalités de l'ouvrage… rien de plus formateur!
On ne peut terminer ce petit récit sans une pensée particulière pour les Loudunais qui nous ont chouchoutés et encouragés, que ce soit à travers les coups de mains, les bonnes bouteilles « maison » de derrière les fagots, les visites, les salades et autres produits des jardins! On reviendra!
Et le loup ne pourra rien contre nos murs en terre !